« Aaron, non. Reste avec moi. Aaron, ne me quitte pas, je t'en prie. Putain, bébé, reviens-moi. Ne me laisse pas. Je t'aime. Et sans toi, je ne suis plus rien… Son corps est pris de soubresauts et la peur me dévore d'un coup.»
Me redressant en sursaut dans mon lit, la sueur froide couvre ma peau comme une seconde peau, chaque goutte figeant mes peurs les plus intimes. Mon cœur bat la chamade, un rythme sauvage qui gronde dans mes oreilles, semblable au rugissement d'une bête féroce. Les draps, humides et en bataille, s'enroulent autour de mes jambes, comme des serpents cherchant à m'ancrer dans ce cauchemar éveillé. Mes mains tremblent, mais c'est un tremblement vibrant, électrique, comme si elles étaient encore en contact avec l'image insoutenable d'Aaron à l'agonie.
Mes yeux parcourent la chambre en un éclair, cherchant désespérément un ancrage dans la réalité. Les murs semblent vibrer, comme s'ils étaient l'écho de mon angoisse, et chaque ombre dans la pièce prend des formes menaçantes, comme des spectres prêts à surgir. Je tente de chasser cette vision dévorante, mais elle est tatouée sur mon âme, indélébile. Le visage d'Aaron, son torse souillé de sang, s'impose dans mon esprit avec une vivacité cruelle, me clouant sur place, paralysé non pas par la peur, mais par une terreur vibrante qui refuse de me laisser partir.
La porte de ma chambre s'ouvre brusquement, et Éden fait irruption à mes côtés, son visage marqué par une inquiétude palpable. Ses yeux scrutent les miens, comme si elle pouvait y lire les horreurs qui me hantent.
— Encore un cauchemar ? Sa voix est douce, mais elle porte en elle une nuance de tristesse, comme si elle savait déjà la réponse.
Je ne dis rien, me contentant de nicher ma tête contre sa poitrine. Le battement régulier de son cœur sous mon oreille contraste cruellement avec le silence assourdissant où mon propre cœur semble s'être réfugié. Depuis cette soirée fatidique, il y a trois semaines. Depuis Aaron. Depuis cet enfer inimaginable que j'ai traversé, mon cœur ne semble plus capable de battre avec la même ferveur. Je me blottis contre Éden, cherchant dans sa chaleur un semblant de réconfort, une étincelle de vie dans un monde devenu soudainement si froid et si vide.
— Ça va aller, murmure Éden, sa voix teintée d'une assurance qu'elle ne semble pas tout à fait ressentir elle-même. Je ne peux pas te promettre que tu oublieras, mais avec le temps, les cauchemars s'estomperont.
Je ne suis pas convaincu. Comment pourrais-je oublier le sacrifice ultime d'Aaron ? Je sais pourquoi il a fait ce qu'il a fait cette nuit-là. Il savait que le pervers, en tirant sur lui, prendrait la fuite. Il savait que c'était lui qui recevrait la balle, pas moi. Dans son regard ce soir-là, j'ai vu une détermination féroce, une résolution inébranlable. Il a fait le choix de mourir plutôt que de me laisser prendre cette balle. Ce n'était pas un acte de désespoir, mais un acte d'amour pur et inconditionnel.
Je sens les bras d'Éden se resserrer autour de moi, comme si elle pouvait éloigner mes démons par la seule force de son étreinte. Mais rien ne pourra jamais effacer les images de cette nuit fatidique. Depuis l'instant où la détonation a retenti dans l'air, jusqu'à ce moment terrifiant où j'ai cru qu'Aaron était mort, chaque détail est gravé dans ma mémoire comme des cicatrices indélébiles. Si seulement Aaron n'avait pas fait ce geste insensé, ce mouvement héroïque pour prendre la balle à ma place, je n'aurais pas à être tourmenté par ces visions cauchemardesques qui me hantent sans relâche depuis trois semaines.
Tout aurait été si différent. Aaron serait ici, à ma place, et moi à la sienne. Je ne serais pas en proie à cette torture mentale, à ces images de son corps étendu sur le sol, inerte. De son sang, chaud et épais, éclaboussant mes mains et mon corps comme une peinture macabre. De sa respiration saccadée, chaque souffle semblant être son dernier. De ses yeux, autrefois si pleins de vie, devenus des puits vides. De lui, réduit à un état que je ne peux même pas qualifier de mort, car c'est bien plus que ça. C'est comme si une partie de moi-même avait été arrachée, laissant un vide béant que rien ne peut combler.
Merde. C'est seulement lorsque je sens l'humidité sur mes joues que je réalise que je pleure, comme un enfant perdu dans l'obscurité.
— Essaye de te rendormir, murmure Éden en s'étirant pour se blottir à mes côtés.
Elle pose sa tête sur mon torse, et je la laisse faire, comme je l'ai fait ces trois dernières semaines. Elle passe plus de temps dans mon lit que dans le sien, et ce simple fait me rappelle à quel point je suis brisé.
— Tu devrais vraiment aller le voir, Matt, reprend-elle doucement. Ça te rassurerait de voir qu'il se rétablit. Lentement, mais sûrement. C'est ce qui compte, non ?
— Éden, je l'ai cru mort, dis-je, ma voix tremblante. Mort dans mes bras. Je ne peux pas risquer de revivre ça.
— Tu sais qu'il demande après toi chaque jour, n'est-ce pas ?
— Je sais, je murmure, la tristesse alourdissant chaque syllabe. Mais je ne peux pas me résoudre à le voir.
— Pourquoi ? Elle me fixe, ses yeux cherchant une réponse dans les miens.
Mes pensées sont un tourbillon d'émotions contradictoires. Je sens le poids d'Éden sur mon torse, sa chaleur se mêlant à la froideur qui a envahi mon âme. Elle est là, essayant de combler le vide, mais elle ne peut pas. Personne ne le peut. Le souvenir d'Aaron, de ce qu'il a fait pour moi, est une ombre qui plane sur chaque instant de ma vie.
Je sens les doigts d'Éden se resserrer légèrement sur mon bras, comme si elle pouvait me tirer hors de ce gouffre de désespoir. Mais même cette étreinte, aussi tendre soit-elle, ne peut pas éclipser la réalité brutale : je suis hanté par le fantôme d'un homme qui n'est pas mort, mais qui a risqué sa vie pour la mienne. Et cette pensée, cette réalité, est un fardeau trop lourd à porter.
— Parce que c'est insupportable, tout simplement, je crache finalement après un lourd silence. Il a pris cette balle pour moi, Éden. Comment pourrais-je lui pardonner ça ? Je préférerais qu'il soit avec quelqu'un d'autre plutôt que d'avoir sa mort sur ma conscience.
— Tu sais qu'il revient dans trois jours ? Elle laisse échapper cette bombe, et mon cœur, déjà en état d'alerte, semble vouloir s'échapper de ma poitrine.
— Alors je retournerai chez Kim, je rétorque, presque mécaniquement.
— Il te retrouvera là-bas, Matt. Ne l'évite pas. Reste et prends soin de lui, comme vous l'aviez prévu avant tout ça.
— C'était avant que tout bascule, je réplique, me redressant pour sortir du lit. Je vais chercher un appartement loin d'ici et couper tout contact avec lui. Oui, je l'aime plus que tout, mais j'ai compris le message. Il ne se mettra plus jamais en danger à cause de moi.
Je me lève, chaque mouvement semblant peser des tonnes, comme si le poids de mes décisions s'était matérialisé en chaînes invisibles. Je sens le regard d'Éden sur moi, ses yeux emplis d'une tristesse et d'une incompréhension que je partage, mais que je ne peux pas résoudre.
Je me dirige vers l'armoire, attrapant un t-shirt et un jean au hasard, mes mains tremblent légèrement. Je suis conscient de chaque respiration, chaque battement de cœur, comme si mon corps lui-même me rappelait la gravité de ce que je suis sur le point de faire. Mais c'est un choix que je dois faire, pour Aaron, pour moi, et pour cette vie que je ne peux plus vivre de la même manière. Plus jamais je ne laisserai Aaron faire le choix de mourir pour moi.
— Matt, ce n'était pas de ta faute. Si j'avais signalé Dan à la police, on n'en serait pas là aujourd'hui, insiste Éden.
— Arrête, bon sang ! je hurle, incapable de contenir ma colère face à une telle déclaration. Ce malade voulait s'en prendre à Aaron, et peu importe ce que tu aurais fait, il aurait trouvé un moyen de le toucher. De me toucher.
— Je sais, mais...
Je me retourne brusquement, la fusillant du regard. Elle comprend immédiatement et se tait.
— Écoute, les faits sont là, dis-je en boutonnant mon jean avec des gestes presque mécaniques. Aaron a délibérément orienté ce flingue vers lui pour me protéger. Alors ne viens pas me donner de leçon de morale ou je ne sais quoi. Ce crétin a choisi de risquer sa vie pour moi. Et ça, je te le dis, je ne ferai pas deux fois la même erreur. Je pars, c'est tout !
Éden se rassoit sur le lit, son visage s'assombrissant sous le poids de la tristesse qui l'envahit.
— Tu sais qu'il va être furieux contre toi, dit-elle, sa voix tremblante.
— Je le sais. Et c'est peut-être mieux comme ça. La colère a souvent le don d'adoucir la douleur, je réplique, chaque mot tranchant comme une lame.
— Tu réalises ce que tu es en train de dire ? Éden s'énerve, son ton montant d'un cran.
— Oui, parfaitement. Et franchement, ça m'est égal. Alors maintenant, laisse-moi tranquille, d'accord ? Tu ferais mieux de t'occuper de ton futur mari plutôt que de te mêler de mes affaires, je crache, ma voix aussi froide que la glace. Et pendant que tu y es, occupe-toi de toi-même avant de jouer les mères poules avec moi. Ce n'est pas en agissant comme ça que tu deviendras la meilleure mère du monde.
Je me tourne brusquement, attrapant mon sac à dos qui repose contre la commode. Je le remplis à la hâte, chaque mouvement amplifiant la tension palpable dans la pièce. Je sens le regard d'Éden sur moi, mais je refuse de croiser ses yeux. Je ne peux pas. Pas quand chaque fibre de mon être est en train de se déchirer. Je ferme le sac à dos avec un geste sec, comme si, en le faisant, je pouvais aussi fermer ce chapitre douloureux de ma vie. Je prends une grande inspiration, me préparant à franchir le seuil de la porte, à franchir le point de non-retour.
Après un instant de réflexion intense, je laisse tomber le sac à dos. Je suis perdu, complètement déchiré entre des choix qui semblent tous impossibles. Partir ou rester ? Aucune idée.
Voyant mon hésitation, Éden se lève du lit, les yeux brillants de larmes. Mais franchement, je m'en fiche. Ce ne sont que des larmes, pas du sang. Je laisse le sac où il est et décide que courir pourrait être une échappatoire, même temporaire. Sans un mot, sans même un café pour me réveiller, je sors en trombe, cherchant à échapper à ce cauchemar qu'est devenue ma vie.
Un bruit de portière qui claque me fait sursauter, et mon cœur s'emballe.
«L'image d'Aaron me frappe comme un coup de poing. Il est là, étendu sur le sol, sa tête sur mes cuisses, sa respiration irrégulière. Je presse sur la plaie, mais le sang s'échappe, s'étalant comme une tache d'encre, et une vague de terreur me submerge.»
Je secoue la tête, complètement désorienté. Un moment, je suis ici, trois semaines après l'horreur. L'instant suivant, je suis de retour à cette nuit, avec Aaron, son corps inerte et froid. C'est insupportable. Ça me dévore de l'intérieur, consume chaque parcelle de mon être et me laisse mentalement épuisé.
Je reprends ma course, chaque pas amplifiant mon agitation, jusqu'à ce qu'un homme en capuche noire surgisse devant moi. Sa main est cachée dans sa poche, et une vague de peur me submerge instantanément. Ce n'est pas la crainte de ma propre mort qui me terrifie, mais l'angoisse de croiser à nouveau le chemin de ce pervers.
Mes yeux se fixent sur l'homme à la capuche, mon corps se tend instinctivement, prêt à réagir. Mes poings se serrent, chaque muscle se raidit comme si je me préparais à un combat imminent. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, un rythme effréné qui semble vouloir s'échapper. Je suis prêt à faire face à cette menace, à franchir cette ligne irréversible, si cela signifie protéger ceux que j'aime. Et en cet instant, je prends conscience de l'extrémité à laquelle je suis prêt à aller, peut-être même trop loin, pour échapper à cette spirale infernale de douleur et de terreur.
Je suis fermement convaincu que si jamais nos chemins se croisent avant que les forces de l'ordre ne mettent la main sur lui, je l'éliminerais sans la moindre hésitation. Sans arme à feu. Sans rien. Juste avec la force brute de mes poings. Je commencerais par le faire souffrir, le plongeant dans un abîme de douleur. Ensuite, je l'enverrais à la mort, une mort qui s'étirerait, longue et douloureuse. Il subirait un juste châtiment pour le mal qu'il a infligé à mon Aaron.
Merci pour la lecture!
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