la_boheme-90 Val Lamoureux

J'ai copier coller un des poèmes d'un poètes célèbres connus dans le monde entier qui est aujourd'hui décédé mais qui nous a laissés une richesse absolu pour ce qui est de nouvelle façon de faire, d'écrire et de parler comme si ont avait tous quelques choses à prouver! Et en mène temps tous les vers qui sont dans ces poèmes finissent par nous faire rires aux éclats, c'est remplis d'humour bien placer et de phrases qui parfois même sans aucun sens trouve un sens des qu'il entre dans mon poème ! J-A-D-O-R-E !! 🥸


Poésie épique Déconseillé aux moins de 13 ans.
Histoire courte
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Poème: Le voile noir|Par: Charles Dickens

LE VOILE NOIR


C’était au mois de décembre de l’an 1811: dix heures du soir venaient de sonner. Un jeune médecin, depuis peu de temps en possession de son diplôme, était assis auprès d’un feu dont les brillantes lueurs éclairaient un cabinet modeste; le vent poussait des gémissements lugubres en s’engouffrant dans la cheminée; des rafales de pluie venaient se briser contre les volets. Pendant toute la journée, le docteur avait été obligé de courir par la ville, exposé au froid et à la pluie, occupé d’une affaire étrangère à sa profession; aussi savourait-il le bonheur d’être enveloppé dans une bonne robe de chambre et d’avoir les pieds enfoncés dans des pantoufles bien chaudes. Il était dans cet état de béatitude où le sommeil s’empare peu à peu de toutes les facultés, où l’imagination s’élance déjà sur les ailes dorées du rêve. D’abord, il pensa que le vent soufflait avec une violence extrême, et il en conclut sagement que, s’il était dehors, au lieu d’être commodément installé au coin du feu, la pluie lui battrait rudement au visage. Il songea ensuite à la visite que, chaque année, à l’époque de Noël, il rendait à sa ville natale et à ses amis les plus chers; il se retraça le plaisir qu’on aurait à le revoir, et la joie qu’éprouverait Émilie, la jeune cousine dont sa mère lui destinait la main, lorsqu’elle saurait qu’enfin un malade s’était adressé à lui. Il réfléchit ensuite qu’il devait espérer trouver un jour ou l’autre plus d’un client, et qu’alors il pourrait réaliser l’espérance de sa jeunesse: avoir une femme bonne et aimable, dont la présence donnerait de la vie à cette triste et solitaire demeure, et l’engagerait à redoubler d’ardeur dans ses travaux. Il se demanda ensuite si le premier malade dont il invoquait la venue arriverait enfin, ou bien s’il ne devait jamais paraître; et, au milieu de ces méditations, de ces réflexions, de ces demandes, il se livra au sommeil le plus complet, rêvant aux jeux de son enfance, à ses belles parties de barre avec la petite Émilie, dont la voix joyeuse retentissait à son oreille, et dont la main s’unissait à la sienne pour danser une ronde sous les grands arbres.

Cette sensation le réveilla. Une main, en effet, était placée sur son épaule, mais ce n’était point celle d’une jeune et douce enfant; cette main, ou plutôt cette patte, appartenait à un gros garçon de onze ans, dès sa naissance abandonné par son père et par sa mère, et que l’administration de la paroisse avait mis au service du docteur, moyennant un salaire d’un schilling par semaine et la nourriture. L’enfant devait faire les commissions du disciple d’Esculape, mais son emploi était la plus complète des sinécures; il passait à dormir ou à préparer un très-maigre repas les quatorze heures du jour durant lesquelles il était sans occupation.

—Une dame, monsieur! une dame! marmottait Tom en poussant doucement son maître afin de le réveiller.

—Quelle dame? s’écria celui-ci, sortant de son fauteuil par un brusque mouvement, et ne sachant pas trop si son rêve n’était qu’une illusion, ou plutôt si ce n’était pas Émilie elle-même dont on lui annonçait ainsi la venue. Quelle dame? où est-elle?

—Ici, monsieur.

Et le doigt de Tom se dirigeait vers la porte vitrée qui conduisait dans le cabinet du docteur, tandis que la figure de l’enfant exprimait un sentiment de terreur trop vif pour qu’on pût croire qu’il n’avait pas d’autre cause que la présence d’un malade, quelque insolite que fût une apparition de ce genre.

Le jeune homme jeta les yeux du côté de la porte; il tressaillit à l’aspect de la figure que rencontra son regard.

Devant lui était une femme d’une taille extraordinairement élevée; ses vêtements étaient ceux d’une personne en grand deuil; un châle noir cachait tout son buste, un voile épais de la même couleur couvrait sa figure. Elle restait dans une immobilité complète derrière la porte vitrée; et, bien qu’aucun geste n’échappât à notre héros, il comprit que derrière ce voile des yeux perçants étaient fixés sur lui.

Surmontant un sentiment de surprise et de malaise, il s’avança vers la porte et la poussa. Cette porte s’ouvrait en dedans, de sorte que l’attitude de l’inconnue ne subit aucun changement.

—Est-ce vous qui désirez me consulter, madame?

Une inclination de tête tint lieu de réponse affirmative.

—Veuillez entrer alors.

La femme au vêtement sombre fit un pas en avant, et, tournant la tête du côté de l’enfant, elle sembla hésiter.

—Sortez, Tom, dit le jeune médecin.

Tom, dont les yeux s’écarquillaient de surprise et de peur, ne se le fit pas dire deux fois.

—Fermez donc la porte! lui cria son maître. Tom ferma la porte et se tapit derrière, l’œil et l’oreille aux aguets.

Approchant une chaise du feu, le médecin invita l’inconnue à s’asseoir. Elle avança avec lenteur, et le jeune homme observa que la boue et la pluie avaient souillé les vêtements lugubres de sa mystérieuse cliente.

—Vous avez bravé le mauvais temps, fit le docteur afin d’entamer une conversation dont le début lui semblait embarrassant.

—Oui, répondit l’inconnue d’une voix sombre et pénible qui révélait de cruelles souffrances.

—Êtes-vous donc bien malade?

—C’est l’esprit, et non le corps, qui est cruellement affecté chez moi. Au reste, ce n’est point pour ce qui me regarde que je viens m’adresser à vous. Je réclame votre assistance pour un autre. Peut-être y a-t-il folie à vous demander le service que je sollicite; mais, chaque nuit, durant de longues veilles passées dans les larmes, cette pensée ne m’a pas quittée un seul instant. Je prévois, hélas! que nul secours humain ne peut lui être utile, et cependant je frémis, je me révolte à l’idée de le coucher à jamais dans un cercueil sans avoir cherché à m’assurer que tout espoir est perdu sans remède.

L’inconnue parlait avec une chaleur, une sincérité qui alla droit au cœur du médecin; il était jeune, il débutait dans la carrière et n’avait pas eu le temps de contracter cette insensibilité qui étouffe toute émotion chez un praticien émérite, habitué à voir la douleur, à la palper sous toutes ses formes.

Il se leva avec précipitation.

—Si la personne dont vous parlez est dans une position aussi désespérée que vos paroles le donnent à supposer, il n’y a pas un instant à perdre. Je suis prêt à vous accompagner. Pourquoi n’avez-vous pas déjà réclamé quelques conseils?

—Parce que tout secours eût été impossible plus tôt, parce qu’à présent même il n’y a moyen de rien faire, répliqua l’inconnue en joignant les mains avec un mouvement de désespoir.

Le docteur jeta les yeux dans la direction du voile noir, qui ne s’était point relevé; il aurait voulu juger de l’expression des traits que cachait ce tissu; mais l’épaisseur du fil déjouait toute observation.

—Vous êtes malade, à votre insu peut-être, reprit-il d’une voix affectueuse. La fièvre vous a donné la force de résister à de cruelles agitations, à de pénibles fatigues; maintenant elle vous brûle. Buvez ceci, – Il remplit un verre d’eau» – calmez-vous pour un instant, dites-moi avec tout le sang-froid dont vous serez capable quelle est la nature du mal qu’éprouve la personne pour laquelle vous êtes si inquiète; faites-moi savoir depuis combien de temps elle est malade. Aussitôt que j’aurai les renseignements qui me sont nécessaires pour que ma visite puisse produire quelques résultats favorables, je me tiendrai prêt à vous suivre.

L’inconnue porta le verre à ses lèvres sans lever son voile, et le replaça sur la cheminée sans y avoir touché; puis elle éclata en sanglots.

—Je sais que mes paroles semblent dictées par le délire de la fièvre. On me l’a déjà dit, et avec moins de douceur que vous. Je ne suis pas jeune, monsieur, et plus ma vie approche de son terme, plus elle me devient chère et précieuse; je sacrifierais cependant avec joie ce qui me reste d’années à demeurer en ce monde, si je pouvais, à ce prix, obtenir que les faits que je vous expose ne fussent pas de la plus rigoureuse exactitude, ajouta la pauvre femme, mais celui dont je parle sera demain hors de l’atteinte de tous les secours de l’art, je le sais, quelles que soient les illusions que je m’efforce d’entretenir à cet égard, et cependant, quoiqu’il soit en ce moment même presque entre les mains de la mort, vous ne pouvez le voir, il vous est impossible de l’assister en rien.

—Je craindrais d’augmenter votre douleur en discutant ce que vous m’annoncez, en vous pressant de questions sur un sujet que vous paraissez désireuse de cacher avec soin; mais, permettez-moi de vous le dire, dans ce que vous me révélez, il est des circonstances d’une invraisemblance choquante, et inconciliables avec certains autres détails que vous m’apprenez en même temps. Il s’agit, d’après vous, d’une personne qui est mourante aujourd’hui, et que je ne peux voir, lorsque peut-être je serais à même de lui être utile; vous craignez que demain matin il soit trop tard, et, toutefois ce n’est qu’en ce moment qu’il me sera permis d’approcher d’elle. Cette personne vous est bien chère; vos paroles, votre agitation, tout annonce quelle inquiétude vous éprouvez à son égard. Pourquoi ne pas essayer alors de sauver sa vie avant qu’un retard funeste, avant que les progrès du mal aient rendu son état désespéré?

—Mon Dieu! mon Dieu! s’écria l’inconnue en versant un torrent de larmes, comment puis-je espérer que des étrangers ajouteront foi à ce qui me semble incroyable à moi-même? Vous ne voulez donc pas le voir, monsieur? ajouta-t-elle en se levant brusquement.

—Je n’ai point dit que je refusais de le voir; mais je vous préviens que, si vous persistez dans votre inexplicable retard, et si cette personne vient à mourir, une responsabilité terrible pèsera sur vous.

—Ce n’est pas sur moi que tombera cette responsabilité! répondit l’étrangère avec amertume. Quant à ce qui me touche, il n’est aucun de mes actes dont je ne puisse répondre.

—Il est de mon devoir d’apporter les secours de mon art à quiconque les réclame. Je me conforme à ce que vous exigez, quelque étrange que semble la chose. Je verrai ce malade demain matin, si vous me laissez son adresse. À quelle heure pourrai-je me présenter auprès de lui?

—À neuf heures.

—Vous voudrez bien m’excuser si je vous adresse de nouvelles questions, mais elles sont indispensables: est-il en ce moment confié à vos soins?

—Il ne l’est pas.

—Vous ne pouvez point l’assister? Les instructions que je vous donnerais pour le traitement à suivre durant le reste de la nuit seraient donc inutiles?

—En ce moment je ne peux rien pour lui. Voyant qu’il n’y avait aucun renseignement positif à tirer de l’inconnue, et désireux de mettre un terme à cette scène affligeante, car la douleur de la dame mystérieuse, péniblement contenue d’abord, débordait de plus en plus, le jeune médecin réitéra sa promesse d’être exact le lendemain à l’heure indiquée. La dame en noir lui donna alors l’adresse d’une rue à peu près inconnue à Walworth, puis elle se retira en silence et disparut dans les ténèbres sans que le voile qui cachait ses traits se fût relevé.

On croira sans peine qu’une visite aussi extraordinaire produisit une impression profonde sur l’esprit du docteur; il se livra, sur ce qui venait de se passer, à une fort longue et très-infructueuse méditation. Trop éclairé pour rien voir de surnaturel dans cet étrange concours de circonstances, il chercha en vain une explication plausible. S’agissait-il d’un assassinat médité pour la nuit même, et, d’abord complice du crime, l’inconnue avait-elle été saisie de remords, et cherchait-elle à empêcher l’accomplissement du forfait en amenant, en temps opportun, un homme de l’art au secours de la victime? Mais choses semblables ne se passent point ainsi au milieu d’une grande ville. N’était-il pas plus vraisemblable qu’il avait reçu la visite d’une infortunée dont le cerveau était dérangé? Cette incertitude empêcha le jeune docteur de fermer l’œil durant le reste de la nuit: il ne put un seul instant éloigner le voile noir toujours présent à son imagination troublée; il attendit le jour avec impatience; il lui tardait de savoir à quoi s’en tenir. À peine une clarté très-douteuse avait-elle, dans cette triste saison, éclairé les rues, qu’il se mit en marche et se dirigea vers Walworth.

Walworth, soit dit pour ceux qui sont peu au courant de la géographie de Londres, est un de ces nombreux villages qui forment une ceinture autour des flancs de l’immense métropole britannique, et qu’elle absorbe peu à peu à mesure que ses maisons envahissent la campagne. Aujourd’hui encore Walworth est un endroit d’assez mauvaise mine. On ne compte aucun banquier parmi ses habitants. Il y a une cinquantaine d’années, c’était un quartier perdu, affreux, un véritable coupe-gorge, où étaient dispersés quelques logis des plus misérables, peuplés de gens aux allures équivoques, trop pauvres pour demeurer en lieu honnête, ou ayant de bonnes raisons pour aimer à faire leur nid dans des coins écartés et solitaires. La police ne se hasardait guère dans ce dédale de repaires infectés de vagabonds, de voleurs, de receleurs, de faux monnayeurs et de cette lie de la population flétrie par le vice ou le crime.

Le médecin eut à s’orienter, non sans peine, à travers un labyrinthe de ruelles ou de sentiers défoncés par la pluie, convertis en cloaques boueux.

Quelques jardins mal cultivés, des emplacements vides entourés de palissades effondrées, pourries ou ébréchées, s’alignaient assez irrégulièrement à droite et à gauche. Des baraques de bois mal closes, des masures à l’aspect sinistre, étaient éparpillées çà et là.

Il fallait avoir une affaire bien urgente pour venir si loin dans une semblable agglomération de bouges.

Le docteur rencontra quelques individus déguenillés auxquels il dut s’adresser pour retrouver sa route, et, après avoir reçu force réponses contradictoires et insuffisantes, il toucha au but de ce pénible voyage de découverte.

Il se trouva enfin devant la maison que la dame en noir lui avait désignée. Cette maison, élevée d’un seul étage, n’avait été, depuis qu’elle était sortie de terre, l’objet d’aucune réparation; il semblait qu’on voulût la laisser tomber peu à peu en ruines. Elle était isolée, flanquée d’un pré marécageux, et la porte en était fermée. Aux deux fenêtres du premier étage étaient appendus des rideaux fermés avec une minutieuse sollicitude, ce qui indiquait qu’on ne se souciait pas qu’un œil indiscret vînt pénétrer dans cette habitation sinistre. Du reste, aucun bruit ne sortait de l’intérieur; rien n’indiquait qu’il y eût là-dedans âme qui vécût.

Le jeune homme se consulta un instant avant de soulever le marteau; il regarda la maison; elle lui sembla présenter la physionomie la plus repoussante que jamais assemblage de bois et de plâtre eût offert à la vue. Il savait combien dans une capitale il se trouve de mauvaises gens dont l’audace ne recule devant aucun attentat: les étouffeurs, les résurrectionnistes, n’avaient point encore atteint l’affreuse célébrité qui est devenue leur partage; mais notre docteur avait fréquenté les hôpitaux: il savait que, pour se procurer ces cadavres que les Hippocrates anglais achètent fort cher et si mystérieusement, les misérables qui font le commerce de la chair morte n’hésitent pas toujours à se souiller d’un meurtre. Si jamais asile avait été préparé pour l’exercice des plus effroyables métiers, c’était, à coup sûr, celui qu’il avait sous les yeux. On ne pouvait mieux choisir.

Cependant l’incertitude de notre héros ne fut pas de longue durée; il eût rougi de retourner lâchement sur ses pas, de lâcher pied devant un péril imaginaire peut-être. Une pluie glaciale tombait sur ses épaules; il fallait prendre un parti, se décider promptement. Il se dirigea donc d’un pas ferme vers la porte et frappa doucement.

Quelques paroles furent aussitôt échangées à voix basse; on eût dit qu’une personne recevait dans le corridor quelques instructions d’un autre individu arrêté sur l’escalier. Les verrous furent retirés avec précaution; une clé tourna dans une forte serrure, et un homme de haute taille, de figure farouche, d’une pâleur de trépassé, l’œil hagard, les cheveux en désordre, les vêtements souillés, se montra sur le seuil, à mesure que la porte, tournant sans bruit sur ses gonds, livrait un étroit passage au nouveau venu.

—Donnez-vous la peine d’entrer, monsieur.

Le médecin fit quelques pas dans le corridor, et la porte fut très-exactement refermée derrière lui; clé et verrous s’interposèrent derechef comme un obstacle contre une visite indiscrète.

—Voudriez-vous venir par ici?

Et le docteur fut conduit vers un petit appartement situé à l’extrémité du corridor.

—Suis-je arrivé à temps? demanda-t-il.

—Vous êtes arrivé trop tôt, lui répondit le personnage qui faisait les honneurs de cette triste demeure.

Un geste de surprise et d’effroi échappa au jeune homme; l’individu de haute taille ne parut pas s’en être aperçu.

—Soyez assez bon pour rester ici, monsieur; vous n’aurez pas longtemps à attendre, je vous le promets.

Et l’inconnu se retira en fermant la porte à clé.

Le médecin, resté seul, eut bientôt fait l’inventaire de l’appartement dans lequel il était emprisonné. Deux vieilles chaises boiteuses et une table brisée composaient tout le mobilier. Un amas de charbon brûlait lentement et comme à regret dans une petite cheminée; l’humidité suintait le long des murailles complétement nues, et une seule croisée s’ouvrait sur une petite cour qui était couverte d’eau et ceinte d’un mur dont la couleur, d’un vert sale, faisait mal à voir. La plupart des carreaux de cette unique fenêtre n’existaient plus; le verre avait été remplacé depuis longtemps par des morceaux de papier que le vent avait déchirés. Aucun son ne sortait du reste de cette demeure, et pendant un moment le docteur put se livrer à des réflexions assez peu rassurantes sur l’issue d’une aventure qui débutait aussi singulièrement. Il se demandait avec inquiétude dans quel but on l’avait enfermé. Mais il jugea d’ailleurs inutile d’appeler, d’essayer de sortir. Il comprit qu’il s’était livré et qu’il fallait attendre.

Un quart d’heure s’écoula; la patience de notre Esculape touchait à son terme, lorsque le bruit d’une voiture lancée au grand trot vint frapper son oreille. Il entendit le véhicule s’arrêter devant la maison; la porte s’ouvrit; une conversation, dont le sens ne pouvait parvenir jusqu’à lui, s’engagea dans le corridor, suivie d’un bruit de pas, comme si deux ou trois hommes eussent gravi l’escalier en portant un fardeau. Une demi-minute après, ces personnages invisibles descendirent les marches et sortirent. La porte de la rue se referma derechef sur eux, avec tout son attirail de verrous et de clés.

Le silence se rétablit enfin.

Étourdi par un enchaînement de circonstances aussi mystérieuses et qu’il n’essayait plus de s’expliquer, notre docteur restait sans mouvement et sans voix devant le feu, qui s’était éteint. Bientôt la porte du misérable appartement où il était détenu fut ouverte, et il vit devant lui cette même femme qui, la veille au soir, était venue lui rendre visite. Elle avait encore le visage couvert de son voile noir. Des sanglots déchirants s’échappaient de sa poitrine. Elle ne prononça pas un seul mot, mais elle fit au docteur un geste pour qu’il eût à la suivre. Il obéit, et, montant l’escalier délabré, il entra dans une chambre à peu près dégarnie de meubles. Dans un coin se trouvait un mauvais lit de camp. Des rideaux d’une étoffe grossière, déployés devant les croisées, faisaient régner dans cette pièce une obscurité presque complète; et, tandis que le regard du médecin cherchait à distinguer les objets, la femme courut près du lit et se jeta à genoux.

Le docteur s’aperçut alors qu’un homme, enveloppé dans une couverture, était étendu sur ce lit. Il était complétement immobile; la tête et la figure étaient découvertes; un bandage passait au-dessous du menton et venait se nouer au-dessus de la nuque; les yeux étaient fermés, le bras gauche pendait jusqu’à terre.

Écartant doucement l’inconnue, le jeune médecin prit la main de ce malheureux et la laissa retomber aussitôt, comme si eût touché un fer brûlant.

—Grand Dieu! s’écria-t-il, cet homme est mort!

—Oh! non, il ne l’est pas! repartit la dame noire en se levant brusquement et en se tordant les mains; ne dites pas qu’il est mort, je ne peux me faire à cette idée! Combien n’y a-t-il pas eu de gens qui ont été rappelés à la vie lorsqu’on les croyait perdus sans ressource! combien d’autres auraient été sauvés si des moyens opportuns avaient été employés en temps utile! Tâchez, monsieur, de faire quelque chose pour lui; employez tous vos efforts; rien n’est désespéré. Peut-être, en ce moment même, la vie l’abandonne-t-elle. Hâtez-vous, au nom du ciel, hâtez-vous, soyez son sauveur et le mien!

Et la malheureuse frottait avec empressement les tempes, la poitrine de celui qui gisait devant elle; elle frappait dans ses mains, mais ces mains, roidies par le froid aussitôt qu’elle ne les souleva plus, retombèrent pesamment.

—Tout est inutile, dit le médecin d’une voix péniblement affectée. Cependant, ouvrez les rideaux.

—Pourquoi? s’écria l’inconnue en tressaillant.

—Ouvrez les rideaux, vous dis-je, je vous l’ordonne! répondit le docteur avec fermeté.

—J’ai voulu que cette chambre restât obscure, répliqua la femme en se précipitant au-devant du médecin pour l’empêcher de se jeter lui-même vers la croisée. Ayez pitié de moi. Si c’est un cadavre qui est là sur ce lit, que du moins mes yeux soient les seuls à le voir!

—La mort de cet homme n’a pas été naturelle! s’écria le médecin, qui, s’élançant vers la croisée, écarta vivement le rideau.

L’inconnue essaya vainement de le retenir; son voile tomba, et livra aux regards la figure d’une femme âgée de cinquante ans environ qui avait été belle, mais que les larmes, les privations, les chagrins de toute espèce, avaient brisée et vieillie de bonne heure. Un tremblement nerveux agitait les lèvres et un feu sombre brillait dans les yeux de cette infortunée.

—Il y a eu violence! fit le médecin en montrant le cadavre et en attachant sur cette femme un regard scrutateur.

—Oui, répondit-elle d’une voix sourde.

—Cet homme a été la victime d’un meurtre!

—D’un meurtre barbare, atroce! j’en prends Dieu à témoin.

—Et le coupable, quel est-il? s’écria le docteur en saisissant l’inconnue par le bras.

—Regardez d’abord, et demandez-le ensuite.

Le jeune homme se pencha vers le cadavre, qui se trouvait alors exposé au grand jour. La face était enflée et les veines injectées d’un sang noir; les yeux sortaient de leur orbite; la langue se montrait entre deux lèvres souillées d’écume. Un cercle d’un bleu livide se dessinait autour du cou. La vérité se révéla aussitôt.

—Cet homme est un des condamnés à mort qui ont été pendus ce matin! s’écria le docteur, qui s’éloigna du lit en frémissant.

—C’est cela même, répondit l’inconnue d’une voix mourante.

—Qui donc était cet homme?

—Mon fils, hélas!

Et la malheureuse mère tomba sans connaissance sur le parquet.

L’histoire de cette infortunée était d’ailleurs bien simple. Restée veuve, sans amis, sans fortune, avec un fils unique, elle l’avait élevé de son mieux, et s’était pour lui condamnée aux plus rudes privations.

L’ingrat, entraîné par la mauvaise compagnie, avait sans peine franchi la barrière qui sépare le vice du crime, et venait de périr de la main du bourreau. Sa mère, soutenue jusqu’au dernier instant par le chimérique espoir de le sauver, devint folle lorsqu’elle reconnut qu’il n’y avait plus aucun espoir. En vain avait-elle fait réclamer le corps aussitôt qu’il avait été possible de l’enlever à la potence, en vain l’avait-elle caché dans un asile secret, la corde n’avait que trop bien rempli son cruel office.

Le jeune docteur n’oublia pas cette femme si cruellement frappée; il la fit recevoir dans un hospice, lui rendit de fréquentes visites, veilla à ce qu’elle fût traitée avec un soin particulier, et n’épargna rien pour adoucir son sort. Elle eut du moins le bonheur de ne pas recouvrer la raison, car elle n’aurait que trop senti toute l’étendue d’une douleur que rien ne pouvait adoucir.

Le docteur est devenu célèbre; la voix publique le place au premier rang des successeurs de Gallien et de Boerhaave; de tous les côtés on réclame ses soins; les journées, fussent-elles de soixante-douze heures, ne seraient pas assez longues pour lui permettre de faire la moitié des visites notées sur le carnet de son secrétaire; les guinées s’amoncellent chez lui en piles chatoyantes, sa poitrine est décorée de divers ordres; et pourtant, au milieu des honneurs, des richesses, des occupations qui absorbent sa vie, il lui arrive souvent de se souvenir de sa première visite, et il frémit toujours à l’aspect d’un voile noir.

FIN

2 Août 2023 09:39 2 Rapport Incorporer Suivre l’histoire
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La fin

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ALEXANDER JOSÉ VILLARROEL SALAZAR ALEXANDER JOSÉ VILLARROEL SALAZAR
Pour plus d'élégance dans votre récit, je vous propose deux choses : des paragraphes de 10 lignes maximum, ce qui est un peu exagéré, et que vous justifiiez le texte. Cela donnera beaucoup plus de qualité à votre travail. bénédictions
August 02, 2023, 12:36

  • Val Lamoureux Val Lamoureux
    Effectivement je trouvais le texte un peu mal arranger mais je pensais que ça aurait eu l'air que je veux changer un poème qui existe depuis plus de 100 ans je crois...Charles Dickens était un célèbre poète vers les années 1905, alors je pensais que j'aurais dû laisser tel qu'il était..javais penser faire un 2ieme chapitres pour faire un résumé de ce long poème ..jai fouiller sur internet et j'avais jamais vu ce titre alors j'imagine que ses la même choses pour d'autres aussi, et pour vous..Sans connaître au moins le titre déjà pour vous attirer l'oeil, la longueur du texte vous donne encore moins envie quand rien n'est expliquer avant qu'ont lie! Merci sa m'aide qu'ont me donne des commentaires constructifs comme sa. :-)) Je vais faire sa dans les jours qui viennent si vous voulez je vous préviendrai quand jaurai publier le deuxième chapitre . = P August 02, 2023, 13:47
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