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Augusto Salvador


Paul Charles Bourget (Amiens, 2 de septiembre de 1852 - París, 25 de diciembre de 1935) fue un escritor francés, novelista prolífico, dramaturgo y ensayista. Crítico de su época, fue también un católico ferviente y miembro activo de la Academia Francesa.


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I

SIMPLE HISTOIRE



L'orgue chante. La foule emplit la vaste église.


La jeune Mariée entre, des fleurs au front,


Et l'espoir des bonheurs permis qui lui viendront


Ravit son cœur naïf d'un émoi qui la grise.


—Bien des jours ont passé depuis cet heureux jour.


Rideaux baissés, un fiacre au coin d'un quai s'arrête;


Une femme voilée en sort, courbant la tête.


L'Adultère revient d'un rendez-vous d'amour.


Entre l'heure innocente et l'heure criminelle


Que de drames secrets se sont joués en elle!


Quel sacrifice a fait ce cœur, s'il reste fier!


C'est la bien simple histoire écrite dans ce livre,


Et quand le criminel bonheur payé si cher


Te manqua, pauvre cœur, tu ne pus lui survivre!


PAUL BOURGET.


28 mars 1887.


Ceci n'est point une actualité, quoi qu'on en puisse croire, mais un récit puisé dans un vieux manuscrit enseveli sous la poussière et oublié dans un coin de la bibliothèque du château de X... Inutile de dire que je ne nommerai jamais ce château.
Je ne suis pas une plagiaire: je copie, et si je tais le nom de l'auteur, c'est que mon vieux manuscrit n'est point signé.
Çà et là, les souris ou quelque autre vermine ont bien effacé ou déchiré quelques lignes d'écriture, je tâcherai d'y suppléer, et je demande d'avance pardon au lecteur, si mon imagination n'est pas à la hauteur du reste.
Le commencement, surtout, est un peu vague; l'auteur a craint sans doute de se désigner trop clairement; car il faut avouer, pour être juste, que bien que ces souvenirs nous soient donnés comme ayant été écrits par une amie, ils ne sont pas précisément l'œuvre d'une amie!
Mais le silence de la mort qui s'est établi depuis si longtemps sur tous les personnages dont il va être question, m'autorise à mettre ce récit en lumière.
Il est toujours intéressant d'étudier la société du XVIIIe siècle (?), dans sa vie intime, et de pénétrer ces dehors brillants, qui cachaient si souvent des plaies effroyables!
Est-ce à dire que nous valons mieux à présent? Il ne m'appartient pas de juger. Chacun s'en tire, comme il croit le mieux.
Les cœurs, autrefois, étaient les mêmes, les institutions seules ont changé, ainsi que les préjugés.
Est-ce donc parce qu'on n'ose regarder en face une statue antique libre de voiles, qu'on soit plus vertueux? Allons donc! Vous tous qui criez tant après Mme X..., ou Mme Z..., parce que son œil bleu en dit beaucoup, et que son sourire en demande davantage!... laissez là vos belles phrases, ne vous méfiez pas tant de la race humaine, sans quoi, elle se méfiera de vous, et pourriez-vous affirmer que vous ne le regretteriez pas?
Il faut bien être quelque peu sceptique, pour ne pas tomber dans la naïveté.
PAUVRE PETITE!
I
Depuis quand nous connaissions-nous Louise et moi? Je n'en sais plus rien, nous nous étions souvent rencontrées, toutes petites, toutes les deux en grand deuil, elle, de son père, moi, de ma mère. Nos gouvernantes étaient en relations, nous avions fini par nous parler, nous nous étions plu, puis aimées, et cette amitié-là, nous ne l'avons jamais trahie.
Mon père, plongé dans la douleur que lui avait causée la mort de ma mère, avait renoncé à toute espèce de luxe, et s'occupait peu de moi; il sortait toujours seul et ne me parlait presque jamais. Toutefois il ne négligeait rien pour mon bien-être et désirait que mon éducation fût soignée.
La mère de Louise, au contraire, vite consolée, ne vivant que pour sa fille, travaillait à grand'peine à rétablir une fortune très compromise à la mort de son mari.
Nos vies se ressemblaient donc, en somme, quoique par des raisons très différentes.
Nous avons ainsi passé notre première enfance, nous cherchant toujours et toujours heureuses de nous retrouver. Que de douces heures se sont écoulées à nous confier l'une à l'autre nos importantes affaires... ces mille riens qui tiennent une si grande place dans les existences de dix à douze ans,... que sais-je, une promenade projetée et manquée, une leçon plus ou moins bien apprise! À cet âge, on ignore encore quel chapeau sied le mieux, ou quelle robe avantage la tournure; j'avoue pourtant à ma honte que Louise a commencé à s'en douter avant moi; elle me trouvait jolie, sans doute par bienveillance; quant à elle, elle devenait tout simplement très belle; aussi, vers la fin de sa dix-huitième année, elle fit un mariage inespéré, et, c'est le cas ou jamais de le dire: pour ses beaux yeux. Comme son mari était bien alors! Il avait un caractère des plus aimables, une intelligence au-dessus de la moyenne, et, avec cela, une fortune colossale.
Malheureusement, il était d'une activité presque fébrile que ne pouvait supporter la nature indolente et poétique de Louise.
Elle avait cru l'aimer, comme cela arrive tant de fois, hélas! On se berce d'une espérance, croyant tenir une réalité!
Comment est-il possible, en effet, qu'une infortunée créature, ne connaissant du monde que le cercle restreint qui gravite autour d'elle, puisse se faire une opinion quelconque sur l'homme avec lequel elle devra partager son existence?
Elle entre dans la vie de ménage, comme dans un appartement neuf, duquel elle ne connaît ni les inconvénients, ni les avantages; elle ne peut voir la vie qu'à travers les illusions dont elle enveloppe son rêve, et le premier qu'on lui présente, c'est le mari qu'elle accueille, en ayant cru le choisir! Si c'est un galant homme, elle a quelque chance de bonheur, sinon elle sera une victime de plus. Quant à l'attrait, à la sympathie, à l'amour... l'amour surtout qu'elle doit à peine connaître de nom, on s'en préoccupe peu; elle ouvrira le livre de la vie, en commençant par la dernière page, et ainsi le voile, déchiré tout à coup, lui montrera brutalement l'existence et chassera ces rêves chéris qu'elle ne pourra plus jamais caresser!
Lorsque les premiers moments d'amour-propre flatté, de vanité assouvie furent passés pour Louise, un désenchantement absolu s'empara de tout son être, ce fut comme un malaise inexplicable, mais incessant.
Notre intimité, toujours croissante, fit qu'elle aima, dès le début, à se confier à moi, me faisant part de ses impressions les plus personnelles, me détaillant, avec une précision quelquefois gênante, toutes les circonstances qui consacrent à jamais l'union conjugale...
Moments précieux et décisifs de l'existence qui sont si souvent remplis d'angoisses, voire même de crainte... trop rarement hélas! de charmes!
—Ma Jeanne chérie, me disait-elle, tu sais bien que mon sommeil avait toujours été abrité par l'ombre du rideau de ma mère, comme par l'aile d'un bon ange; j'avais grandi bercée dans son sourire qui saluait chaque matin mon réveil... ce doux sourire maternel qui fait croire que la vie est bonne!...
Et voilà que, tout à coup, ma mère disparaît, me livrant à un homme avec lequel, la veille, on ne me laissait pas causer seule. Alors je me mis à trembler, me reprochant ce moment de vertige, où, triomphant de mes hésitations, j'avais laissé entendre ce mot fatal: «Oui! je l'accepte pour époux!»
Oh! mères, que vous êtes coupables, vous qui cachez à vos filles jusqu'au soupçon de la réalité!
Te souvient-il de cette foule qui m'a semblé innombrable à la cérémonie religieuse? Ces chants pieux, l'autel éblouissant, le parfum enivrant de l'encens et des fleurs!... que sais-je? mes voiles, ma robe blanche...
Tout ce troublant ensemble se déroulait en ma mémoire... j'étais mariée... du moins pour le monde!
Mais quand ce rêve d'un jour s'envole et que la nuit descend... quelle chute!
J'étais seule dans ma chambre, et tout en repassant en moi-même cette journée, je ne m'apercevais pas que les heures continuaient à se succéder... quand j'entendis ma porte s'ouvrir, et mon mari parut...
—Louise, arrête-toi, m'écriai-je, je ne sais vraiment si je puis continuer à t'entendre.
—Je t'en supplie, dit-elle, en me forçant à me rasseoir et à l'écouter, il faut que je te raconte, il faut que tu saches, j'ai confiance en toi!... Tu n'es donc plus mon amie?...
—Oh! si, pauvre petite!
Elle continua:
—J'étais donc la propriété de cet homme, puisqu'il entrait ainsi chez moi, sans me demander si cela me convenait.
Être la chose de quelqu'un, c'est révoltant!
Je ne sais ce qu'il pensa, lui, mais il vint s'asseoir tout près de moi, si près que je respirais son haleine; je voulais fuir, et me sentais clouée à ma place! Il me fit un signe que je ne compris pas, puis il m'entraîna doucement avec lui et me souleva dans ses bras: là je ne sais plus bien ce qui se passa; mais, sous ses baisers brûlants, je ne cherchais plus à me défendre, cédant à la violence de ses caresses, quand, tout à coup, je ressentis une impression inénarrable; je jetai un cri, et perdis connaissance!... Est-ce que tu as perdu connaissance aussi, toi?
—Louise, je t'ai promis de t'écouter, mais non de te faire des révélations aussi intimes!
Dans tout ce qu'elle me disait, je démêlais surtout une horreur, une répugnance que je ne pouvais comprendre, mariée moi-même depuis peu, heureuse et calme, dans une ivresse que rien ne semblait pouvoir troubler!...
Pauvre petite! comme je l'aimais alors! Il me semblait dans ces entretiens pleins d'abandon qu'elle avait besoin de moi, et que ma patience à l'écouter était un soulagement pour elle!
1. Juni 2018 20:31 0 Bericht Einbetten Follow einer Story
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